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Entre Sarkozy et Fabius, l’étonnante course à l’échalote du plus anti-Hollande: «Je me suis inspiré de vous…»

Par John Timsit Le Figaro.

Avant d’être bousculée par l’apparition d’internet et par la révolution des réseaux sociaux, la télévision était l’écrin des principales joutes politiques. Théâtre de débats assassins ou de séquences devenues cultes, le petit écran a offert une multitude de moments forts sous la Ve République. Cet été, Le Figaro vous raconte les coulisses de ces rendez-vous.

«Il faut que je vous confesse quelque chose, c’est que je me suis inspiré de vous…», lâche Nicolas Sarkozy, dans un sourire espiègle, face à Laurent Fabius. En ce 6 mars 2012, à un mois et demi du premier tour de la présidentielle, voilà le boxeur revenu sur le ring. Le président-candidat, qui brigue un second mandat, participe ce soir-là à sa première grande émission en prime time ès qualités. Point d’orgue de la soirée: une joute entre le patron de la droite et une figure socialiste, exercice dont le dernier épisode datait de 2007, pour le débat d’entre-deux-tours qui avait opposé Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal. Cette fois, en attendant le futur duel annoncé avec François Hollande, c’est l’ancien premier ministre Laurent Fabius, qui se trouve sur le plateau du talk-show de France 2 «Des paroles et des actes».

Les sondages ont beau être unanimes sur un retour du Parti socialiste à l’Élysée, Nicolas Sarkozy veut déjouer les pronostics. Malgré une fatigue apparente, il cherche à retrouver la recette offensive qui avait fait son succès cinq ans plus tôt. La meilleure défense étant l’attaque, il décide de se lancer dans un drôle de concours avec son contradicteur: une sorte d’«à qui mieux mieux» de l’anti-Hollande. Une démarche dans laquelle il sera bien aidé par l’entame de son interlocuteur, qui l’attaque d’emblée sur ses accusations «désagréables et violentes» à l’égard du candidat PS. En lisant des fiches ostensiblement surlignées, que la caméra affiche à l’écran, Nicolas Sarkozy prend un malin plaisir à citer son adversaire: «Pour être élu président de la République, je crois qu’il y a deux personnes, moi mis à part, qui ont la carrure: Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry…” Vous trouvez que c’est plus aimable que ce que j’ai dit?», feint-il d’interroger. «Et, comme vous êtes un homme qui avez de la suite dans les idées, vous aviez dit en 2011: “Franchement, vous imaginez Hollande président de la République…? On rêve…”», enchaîne-t-il aussitôt.

Deux flèches qui embarrassent Laurent Fabius et l’obligent à se justifier péniblement: «Je n’ai pas eu toujours de bons rapports avec François Hollande. Et, au départ, ce n’était pas un bon candidat. Mais il s’est lancé dans la bataille il y a un an. Il a été désigné brillamment, il a fait preuve de ténacité, il a su dire oui, il a su dire non, et en particulier non à votre réélection», se défend l’ex-président PS de l’Assemblée nationale.

Avantage Sarkozy

Mais Nicolas Sarkozy n’en démord pas. Ironique, le président sortant dit trouver «très agréable» que Laurent Fabius, «qui a fréquenté François Hollande pendant trente ans et qui porte des jugements aussi cruels et brutaux, ait changé parce qu’il (lui) confiait (des) responsabilités». «Ça prouve, monsieur Fabius, qu’on peut vous convaincre facilement», assène-t-il. Et de se voir sommer en retour de garder la discussion au «niveau qu’(elle)doit avoir». Ce à quoi Nicolas Sarkozy répond, là encore, par une pirouette pour gêner son interlocuteur: «C’est parce que je voulais garder le débat à une certaine hauteur que je n’ai pas cité ce que vous aviez dit sur François Hollande quand vous le compariez à une “fraise des bois”.» Effet garanti.

C’est parce que je voulais garder le débat à une certaine hauteur que je n’ai pas cité ce que vous aviez dit sur François Hollande quand vous le compariez à une “fraise des bois”Nicolas Sarkozy

Pour reprendre l’avantage dans ce débat qui lui échappe, l’éléphant socialiste engage ensuite la discussion sur le bilan du quinquennat qui s’achève. L’occasion d’une passe d’armes où Laurent Fabius brocarde Nicolas Sarkozy pour avoir, pendant son mandat, «pris des distances avec un certain nombre de valeurs de la République». «Je n’ai pas beaucoup de leçons de style à recevoir de quelqu’un qui militait pour que DSK soit le prochain président…», rétorque le président sortant du tac au tac, dans une allusion aux soupçons qui pèsent alors sur l’ancien patron du FMI, accusé de viol par une femme de chambre aux États-Unis. «Pour des raisons évidentes, DSK a déçu les espoirs de beaucoup de gens», concède Laurent Fabius, regrettant que Nicolas Sarkozy s’entête à manquer d’«élégance» plutôt qu’à «monter le niveau». «Évidemment! Quand on parle de vous et de vos amis, on est inélégant, quand c’est de moi, c’est de la démocratie», réplique le chef de l’État.

«On ne change jamais»

Alors que le dialogue de sourd entre les deux hommes laisse progressivement place à une partie un peu plus technique, Nicolas Sarkozy conjure Laurent Fabius de passer «de la posture du professeur à celle de celui qui écoute». «Pas du tout, j’ai trop de respect pour la fonction qui est la vôtre…», répond malicieusement le socialiste.«Ne faites pas d’excès de modestie, ça ne vous va pas outrageusement», lui rétorque le président. «La modestie ne vous va pas tellement au teint…», ajoute-t-il. Avant d’enfoncer le clou. «On ne change jamais, monsieur Fabius. J’ai regardé vos anciens débats, c’est le même. Hommage vous soit rendu», ricane enfin le patron de la droite. Une dernière pique, en référence à un affrontement télévisé entre Jacques Chirac et Laurent Fabius datant de 1985. Confrontation dont le socialiste avait été considéré comme perdant, en raison notamment de la condescendance dont il avait été accusé à l’époque. Si, vingt-sept ans plus tard, aucun des deux contradicteurs n’est sorti vainqueur de ce débat, les urnes finiront par départager les deux camps quelques semaines plus tard. En consacrant la victoire de François Hollande face à Nicolas Sarkozy, au terme d’un second tour plus serré que jamais.

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