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Six attaques en six jours : pourquoi Moscou est ciblé quotidiennement par les drones ukrainiens

Par Hugues Maillot, Le Figaro.

DÉCRYPTAGE – Depuis le début de l’été, Kiev porte davantage la guerre sur le territoire russe. Si des cibles stratégiques sont évidemment visées, la capitale est également frappée, avec des objectifs plus symboliques.

Les Moscovites commencent à avoir l’habitude. Tôt ce samedi 26 août au matin, le maire de la capitale russe, Sergueï Sobianine, a indiqué que la défense aérienne avait abattu un drone qui s’approchait de la ville pendant la nuit. Depuis le début de l’année, les attaques de drones se multiplient sur les territoires russes et annexés. Mais depuis le début du mois d’août, Moscou est intensément ciblé. Mercredi 23 août, la capitale a ainsi comptabilisé six attaques en six jours.

Les attaques dans la région de Belgorod, de Krasnodar, de Briansk, ou encore en Crimée, sont logiques : elles font directement partie du cadre des opérations. Dans ces zones, les drones ukrainiens visent des sites stratégiques, comme des dépôts pétroliers ou de munitions, des aéroports militaires ou des centres de commandement. Mais à Moscou, les munitions rôdeuses ciblent surtout le quartier de Novo-Ogariovo, celui des affaires et des élites, sans jamais causer de grands dégâts.

Marquer les esprits et déstabiliser la population

L’objectif est probablement quadruple, souligne auprès du Figaro Joseph Henrotin, rédacteur en chef de la revue Défense et sécurité internationale et chargé de recherche au Centre d’analyse et de prévision des risques internationaux. L’Ukraine envoie d’abord un message à sa population, en prouvant qu’elle est capable de «frapper au cœur de la Russie», alors que sa contre-offensive piétine depuis plusieurs semaines. Mais aussi aux chancelleries occidentales, en «démontrant que frapper la Russie n’entraîne pas de réaction nucléaire, favorisant ainsi le don de matériels à longue portée».

En outre, Kiev tente de marquer les esprits et de déstabiliser psychologiquement la population citadine russe, «en lui prouvant que la guerre n’est pas une affaire éloignée». Jusqu’à maintenant, les drones n’ont officiellement fait que quelques blessés. Mais ils peuvent instiller la peur dans l’esprit des Moscovites. Enfin, ces frappes permettent de mettre l’état-major russe sous une pression politique, en les obligeant à «faire cesser les attaques», et opérationnelle, «en imposant de retirer des équipements présents en Ukraine».

L’enjeu opérationnel est en réalité moindre. Il n’est pas exclu que des bureaux militaires aient été visés dans le quartier des affaires de Moscou. Mais ces frappes de drones jouent un rôle plus symbolique que réellement opératif. Cependant, «frapper au cœur, même symboliquement, produit des effets sur les perceptions politiques, militaires et civiles, et peut donc avoir une incidence stratégique», souligne Joseph Henrotin.

Des moyens de production décuplés

Une question reste en suspens : celle du timing. L’Ukraine n’a pas attendu l’été pour frapper en territoire russe ou occupé. Mais la récente multiplication des attaques contre Moscou interroge. «Elles interviennent de facto à un moment crucial pour la contre-offensive ukrainienne», souffle le rédacteur en chef de DSI. Est-ce une manière de détourner l’attention, de faire diversion ? L’avenir le dira. Mais cette augmentation du nombre d’attaques sur Moscou traduit plus simplement le fait que l’Ukraine en a les moyens et en profite.

Au début de la guerre, ni l’Ukraine ni la Russie n’étaient réellement équipées en matière de drones. Moscou a fait appel à l’Iran, pour qu’il lui fournisse ses drones kamikazes Shahed-136. De son côté, l’Ukraine a rapidement pu compter sur le Bayraktar TB2 turc. Surtout, elle produit désormais ses propres drones, grâce notamment à la campagne de levée de fonds d’un jeune influenceur ukrainien. Avec une certaine efficacité : entre les mois de mai et de juillet 2023, l’Ukraine a fait voler plus de munitions rôdeuses vers la Russie que pendant toute l’année 2022, selon le New York Times. Le quotidien américain a d’ailleurs identifié trois sortes de drones longue portée fabriqués en Ukraine et utilisés lors des attaques contre Moscou.

L’un d’entre eux est surnommé «Beaver» (castor en français). Il est doté d’une portée d’environ 1000 km, ce qui lui permet d’être tiré depuis le territoire ukrainien – Moscou n’est qu’à 450 km à vol d’oiseau de la plus proche frontière ukrainienne. D’autres drones à plus courte portée, doivent être lancés depuis le territoire russe, par des sympathisants ukrainiens ou de petits commandos, note le New York Times. Les «Beaver» peuvent emporter «une charge explosive d’environ 20 kg, juge Joseph Henrotin. Trop peu pour réellement endommager, mais suffisant pour être visible». Ce qui semble valider la thèse de frappes avant tout symboliques.

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